La danse des damnées, Kiran Millwood Hargrave

« Pourquoi penses-tu que ces femmes dansent ? Parce qu’il n’existe rien ici-bas pour les sauver. Strasbourg dérive vers l’Enfer. Et ce sont nous, les femmes, qui les premières en subissons les conséquences. Nous sommes toujours, toujours damnées. » (P.187)

L'auteure reprend un fait historique : une transe collective qui a duré 2 mois pendant l’été suffocant de 1518. Frau Toffea dansa dans les rues de Strasbourg pendant des jours et des jours, sans qu'on puisse l'arrêter. Une épidémie de danse s'ensuivit, avec près de 400 personnes dansant en même temps. Il ne s'agit pas d'un cas isolé, puisque le phénomène connu sous le nom de chorémanie s'est répété entre le XIVe et le XVIIe siècle.

Elle décrit la ville de Strasbourg à l'époque sombre du Moyen Âge, où l'Église détenait tous les pouvoirs et où les superstitions dominaient la vie quotidienne. La population, qui souffre de la famine (les récoltes sont détruites par la sécheresse et les inondations), de la peste et de la peur des envahisseurs turcs (l'Empire romain germanique est en guerre contre l'Empire ottoman), se croit maudite par la chute d'une comète qui, selon les prêtres, condamne le siècle entier à la damnation.

Mais son roman résonne aussi avec la société actuelle : la marginalisation de la communauté LGBT+ et des immigrés, ainsi que les différences existant entre les classes sociales. L'auteur s'appuie également sur des événements plus personnels, ayant subi des fausses couches à plusieurs reprises.

Ainsi, elle nous raconte l'histoire de 3 femmes. Lisbet, enceinte, qui se croit maudite par la comète tombée dans le champ de son père le soir de sa naissance, et qui a perdu 12 enfants avant terme. Ses refuges sont les abeilles qu'elle élève dans des ruches et un arbre dansant : l'arbre des damnés, relique païenne devenue sépulture mémorielle de ses enfants. Son amie Ida, dont elle envie la vie de mère épanouie, et sa belle-sœur Agnethe, Nethe, qui revient après 7 ans d'exil dans une abbaye pour un crime que tout le monde tait. 

Quelle faute a-t-elle dû expier, et pourquoi ce malaise avec Ida ? Dans la fournaise de cet été, rythmé par la cadence des danseurs en transe, Lisbet va découvrir secrets et interdits...

J'ai pris plaisir à lire ce livre qui allie des faits historiques à une intrigue qui résonne avec notre époque, même si, à mon avis, l'histoire souffre de quelques longueurs.

« Il ne s’agit pas de folie, mais d’un élan, d’un espoir – un abandon. De la transcendance peut-être. » (P.175)