top of page

Le fruit le plus rare ou La vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem

21 déc. 2023

Temps de lecture : 3 min

2

31

 




« La vanille, c’est moi ! » 

(Edition Continents noirs, Gallimard P. 144)

 

Cette semaine, ma valise nous emmène directement sur l'île de Bourbon. Alors que l'hiver s'installe définitivement, avec ses journées moroses, laissez-vous porter par les incroyables aventures de la découverte de la vanille, sur l'île intense.





Après Un monstre est là, derrière la porte, publié trois ans plus tôt, Gaëlle Bélem, originaire de l'île de la Réunion, signe là son deuxième roman, Le fruit le plus rare ou La vie d’Edmond Albius. Gaëlle Bélem est une conteuse née, et sa plume vive est aussi délicieuse que la vanille ! Je vous mets au défi de refermer ce livre sans sourire une seule fois, tant ses tournures de phrases sont mordantes.

 

« On suppose, mais on ne décide pas. Là encore, il y a un grand silence qui rappelle que tout ce qu’on sait de leur histoire tient sur une feuille. Pas de papier, c’est trop grand. La feuille d’un vanillier. » (P. 167-68)

 

Dans Le fruit le plus rare, elle nous raconte l'histoire passionnante d'Edmond qui se déroule entre les années 1829 et 1880. Orphelin, noir et esclave (jusqu'en 1848, date de son affranchissement), il est né avec les mauvaises cartes. Mais son destin sera extraordinaire. À l'âge de 12 ans, il découvre le secret de la pollinisation de la vanille, un savoir-faire perdu avec la disparition de la culture aztèque. Si Edmond n'avait pas existé, nous n'aurions sans doute jamais eu le plaisir de goûter la multitude de gourmandises à base de vanille qui ravissent aujourd’hui nos papilles.



« Les esclaves laissent rarement des souvenirs de leur vécu » (P. 21).

 

Ce roman historique s'appuie sur les rares archives l'île de Bourbon. Gaëlle Bélem imagine "l'histoire" entre les faits relatés par les rares documents conservés. Dans ce roman historique romancé, elle humanise et redonne ses lettres de noblesse à cet esclave devenu héros national mais encore méconnu.

Comme pour son premier roman, elle a voulu écrire un livre qui parle de son île adorée, mais à une autre époque et dont le protagoniste serait un jeune garçon. Surprise de constater qu'aucun écrivain réunionnais n'avait raconté l'histoire d'Edmond, c’est tout naturellement qu’elle en fait le sujet de son deuxième roman.  


**********


 « Edmond sait qu’il n’est pas un esclave comme les autres. [..] C est un enfant adopté, le Brutus noir d’un César blanc. » (P.25-26)

 

Edmond, ti gâté, est adopté par Ferréol, ti père, un botaniste qui lui fait découvrir son jardin. Les premières pages du roman sont empreintes d’une douce poésie ; Ferréol devient conteur et raconte les plantes et les fleurs au petit Edmond qui découvre « une immense kermesse de parfums et de couleurs, bruissante d’abeilles, qui bat son plein autour de la brouette », brouette dans laquelle il est transporté. (P.32)



Edmond n'est pas un esclave ordinaire. Il grandi sous la tutelle de Ferréol et évolue constamment entre le monde des privilégiés et celui des esclaves. Il est esclave et fils de Blanc. Ferréol lui transmet ses connaissances et son amour de la botanique. Et sans surprise, Edmond développe une passion pour le monde végétal et se révèle un botaniste en herbe très doué. Très jeune, il déclare vouloir devenir un « botaniste noir ». «Botaniste parce que Ferréol l’est, botaniste pour l’aider à trouver l’orchidée la plus rare du monde, botaniste parce que ses parents habitent un royaume de fleurs. » (P.42). Mais un esclave ne peut prétendre à ce métier, et Ferréol décide qu’il deviendra jardinier.

 


La découverte de la vanille par le jeune Edmond, puis tandis qu'il grandit son envie de s’affranchir, menacent leur tendre relation. « Sous les toits, entre eux deux, la rivalité commence, l’ambiguïté du rapport père-fils. » (P.87). Ferréol se sent trahi : son esclave lui a volé son rêve et l'ambition de sa vie. Edmond quant à lui se sent comme « un oiseau maudit dans une cage dont le maître conserve la clé. » (P120)

 

La vanille s'exporte et connaît un succès retentissant, notamment en Europe, où l'on ne jure bientôt plus que par son arôme... La rumeur de l'abolition de l'esclavage résonne de plus en plus fort sur l'île de Bourbon...Qu'adviendra-t-il de nos deux héros au cours de ces bouleversements ?


**********


Pour être honnête, c'est l'enthousiasme de ma libraire pour ce livre qui m'a incité à le lire, et je ne le regrette pas. L'écriture vive et facétieuse de Gaëlle Bélem est une véritable bouffée d'oxygène. On pourrait s'attendre à un livre triste, voire ennuyeux, les héros étant un esclave et la vanille, mais non... ce livre est lumineux et reste gai même si la vie de notre héros n’est ni facile ni juste. Ce fut un réel plaisir de découvrir ce pan fascinant de l'histoire de la l'île de la Réunion.


Je vous laisse le découvrir et vous faire votre propre avis sur ce roman... et pourquoi pas, en dégustant le gâteau emblématique de ma ville : le gâteau nantais !

 

 « La vanille, en manger toujours, ne s’en priver jamais. » (P.139)



bottom of page