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Les contemplées, Pauline Hillier

17 févr. 2024

Temps de lecture : 2 min

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“Toutes les histoires que m’ont racontées mes codétenues ces deux dernières semaines m’ont échaudée. Je sais maintenant qu’il y a peu à attendre de la justice pour nous, les femmes, présumées coupables depuis longtemps déjà, si ce n’est depuis toujours.”





Pauline Hillier raconte sa descente aux enfers pendant son mois de détention à la Manouba, la prison pour femmes de Tunis. Depuis la prison de la Geôle, alors qu'elle attend de connaître son sort, où tout est "vert les gens, vert l'air que nous respirons", jusqu'à la décision d'écrire cette histoire.


Dans un style incisif, elle y décrit les odeurs puissantes et putrides des latrines sommaires - "peur des cafards, peur de la merde, peur des cafards sur la merde". Mais l'odeur est partout sur moi, sur ma peau, sur mes cheveux, dans mes vêtements et dans ma bouche", les fouilles à nu violentes et humiliantes, les trajets dans "un container en tôle sur quatre roues" sans vitre ni aération à l’arrière et les journées douloureusement longues, chaleur - "les détenus sont collés à leur couchette comme des algues sur un rocher". Son écriture et sa narration sont telles que je me suis vraiment sentie transportée dans cette prison infâme, sentant les effluves nauséabondes, ressentant les cafards sur ma peau et la chaleur comme une enclume sur mes épaules.


Mais surtout, elle raconte une solidarité indéfectible entre ces femmes !


Au moment où elle se lance dans l'écriture de ce roman, 5 ans se sont écoulés depuis sa détention. L'auteur précise : « J’ai laissé mon imagination prolonger librement mes souvenirs et subroger aux omissions de mes codétenues » et, bien qu'inspiré de faits, de lieux et de personnes réels, ce roman reste une œuvre de fiction.


Très rapidement, elle est surnommée "la voyante"par ses codétenues, et lorsqu'elle touche leurs mains pour lire leurs lignes, elle crée une proximité qui leur permet de s'ouvrir et de raconter leurs histoires en arabe, en français, dans un mélange des deux langues ou en langue des signes. Elle écoute les histoires racontées par ces femmes. Elle apprend à écouter.


Pendant son incarcération, Les Contemplations de Victor Hugo, livre choisi au hasard dans sa bibliothèque pour l’accompagner en Tunisie, est devenu non seulement son livre de chevet, son oreiller, sa fenêtre sur le monde et son refuge, mais aussi son carnet de notes. Ses notes chaotiques remplissent les marges et les espaces entre les paragraphes, de biais, de côté ou à l'envers.



Avec ce roman, elle a voulu porter un autre regard sur les exclus, les mauvaises herbes, et rendre hommage à la beauté de ses codétenues du Pavillon D., femmes de rien, qui deviennent ses déesses : "les contemplées".


Un des poèmes du recueil Les Contemplations qui l'a particulièrement marquée, et qui renvoie à la même idée, est le suivant :


XXVII
« J’AIME l’araignée et j’aime l’ortie, Parce qu’on les hait » 

“Les concepts de culpabilité et d’innocence me deviennent de plus en plus flous, poreux. Au lieu d’être les deux versants d’une pièce comme je le croyais, ils me semblent à présent s’entremêler et se confondre à tout instant. »

 




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